Après la soirée mouvementée du festival, Andrea retourna pris le chemin pour retourner chez sa famille. Elle se dirigea vers la haute ville, quartier noble encerclé par des murailles, avec le grand château tout au fond. Des Gardes Royaux gardaient jalousement l’entrée de ces murailles. À part les nobles et l’église, personne ne pouvait y entrer sans permission spéciale. Seuls les marchands les plus prestigieux obtenaient le droit de venir vendre leurs articles de luxe ici.
Andrea n’eut aucun problème à entrer, dépassant une file de domestiques et de marchands attendant la permission d’entrer. L’atmosphère ici était beaucoup plus tranquille que le reste de la ville. Il y avait plus d’arbres, les maisons étaient mieux bâties et mieux décorées, il y avait plus d’espace et de terrain. Elle croisa des nobles bien habillés qui se faisaient servir le thé sur leurs terrasses privées, ainsi que leurs majordomes, domestiques et serviteurs qui s’occupaient des menus travaux et des courses. Plusieurs Sentinelles arpentaient les rues, ou étaient engagées pour surveiller les plus grands manoirs.
C’était vers l’un de ces grands manoirs qu’Andrea se dirigea d’un pas ferme. La demeure de la famille Brimmer avait plusieurs étages, et beaucoup de fenêtres. Une grande bannière rouge avec le sceau familial était accrochée au-dessus de la porte. Elle entra par une porte de côté, donnant sur l’aile des serviteurs, et alla directement dans sa chambre, où un bain rempli d’eau chaude l’attendait déjà. Elle plaça son équipement sur un mannequin de bois, mais laissa ses vêtements sur le sol, avant d’entrer dans l’eau réconfortante. Une domestique vint chercher ses vêtements sales, rapportant des serviettes et préparant son linge propre. Elle la laissa se nettoyer seule, à sa demande.
Andrea ressassa les évènements de la nuit. Pourquoi son abruti de coéquipier était-il incapable de faire son travail correctement? Le témoin qu’elle avait interrogé lui avait bien décrit la femme pendant que Caedmon discutait dans la taverne. Évidemment, plutôt que d’arrêter la coupable, il s’était mis dans la tête de la protéger de la justice… Après l’avoir secoué dans la ruelle, elle avait eu l’intention de le forcer à arrêter la coupable avec elle, mais l’apparition du petit et de ses deux brutes lui donna l’occasion en or de régler le problème : ils avaient été félicités pour s’être défendu et avoir abattu trois dangereux criminels. Elle savait que son coéquipier verrait l’évènement différemment, mais elle espérait que sa responsabilité dans cette affaire lui forgerait le caractère et le mène sur le droit chemin. En ce qui était de la femme aux cheveux noirs, elle la garderait à l’œil pour l’instant. Il n’était pas question de l’arrêter et de changer la version des faits qu’elle et Caedmon avaient donnée au sergent. Le plus important, dans cette affaire, c’était de ne pas salir sa réputation durement acquise.
Ce n’était pas elle qui avait décidé de son partenaire, bien que la situation jouait en sa faveur. Il n’y avait que quelques Sentinelles, dans toute la ville, qui avait autant d’habileté au combat que Caedmon. Il y avait bien cet Egmont, mais il n’était pas un noble, de loin. Parmi les nobles, seuls un ou deux vétérans avaient vraiment du talent, mais ils auraient tôt fait de lui faire de l’ombre dans ses exploits. Elle aurait pu choisir un autre équipier, car, après tout, sa famille avait le pouvoir de la faire facilement entrer dans la Garde Royale, si elle l’avait voulu. Mais elle préférait de loin démontrer qu’elle avait la loyauté, l’habileté, et la force de caractère pour acquérir ce poste prestigieux par elle-même. Cela lui apporterait beaucoup plus de respect de la part des nobles, et nul ne contesterait jamais sa position. Pour ce qui venait après…
Non, se dit-elle. Une étape à la fois. Pour l’instant, elle devait travailler sur sa réputation, et sur celle de son cher coéquipier. Il venait d’une famille noble, il était amiable, et montrait du potentiel pour l’intrigue et le raffinement. Il n’était pas parfait, mais il servirait bien ses intérêts, si elle arrivait à le rendre plus sérieux.
Ce qu’elle ne savait pas, c’est que le commandant les avait mis ensemble pour des raisons semblables. Il espérait en effet qu’Andrea inculque plus de sérieux et de dureté dans le travail de Caedmon, mais il espérait aussi que ce dernier la rende moins rigide et plus endurable. Rien n’était gagné, pourtant.
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Après son bain, Andrea se fit coiffer, et mit une robe rouge simple, c’est-à-dire une robe facile à mettre, mais tout de même plus exquise et couteuse que ce que pouvait se permettre la moyenne des citoyens. Elle déambula dans le manoir Brimmer, admirant le symbole divin serti de gemmes sur son anneau d’argent. Elle l’avait porté toute la nuit, et lui avait été d’un grand secours. Elle finit par arriver à la bibliothèque, et y déverrouilla la serrure avec sa clé. Aucun domestique, hormis le majordome, n’avait accès à celle-ci.
Aucune fenêtre ne donnait sur la bibliothèque, et celle-ci n’était éclairée que par la faible lumière bleutée de quelques globes lumineux, disposés sur les quelques bureaux. Il y avait bien des chandeliers, mais ceux-ci étaient rarement utilisés.
Elle y trouva son père, comme elle s’y attendait. Il lisait silencieusement, assis à un bureau, et se retournait alors qu’Andrea laissait entrer les rayons du soleil dans la bibliothèque. Ses cheveux blonds lui descendant jusqu’aux épaules étaient soigneusement peignés vers l’arrière, de sorte qu’aucune mèche ne venait jamais gêner sa lecture. Il portait une barbe mi-longue soigneusement taillée, et il avait les yeux bleus et froids de sa fille. Il portait un long manteau rouge, raffiné, par-dessus des vêtements simples, mais de bonnes qualités. Il lui sourit et se leva, regardant l’anneau d’argent qu’elle lui tendait.
-Bonjour, père.
-Ah, ma chère fille. J’espère que la soirée s’est déroulée à merveille?
Il prit l’anneau délicatement, et le déposa sur son bureau. Andrea ferma la porte et s’étendit sur un divan rembourré.
-Mon cher coéquipier m’a causé quelques problèmes, mais j’ai su tourner la situation à notre avantage. Qui plus est, c’est grâce à cet incident que j’ai pu essayer l’anneau.
Son père alla chercher deux coupes, et les remplit d’un vin couteux. Il en offrit une à sa fille, et s’assit sur une chaise rembourrée en face d’elle, humant le vin avant d’y gouter.
-Et puis?
Elle sourit, contente de percevoir de l’impatience chez son père, si posé d’habitude.
-Il a fonctionné à merveille, et il m’a sauvé la vie, en fait.
Son père fronça les sourcils, et il prit un air pensif.
-Je te le redonnerai alors.
Andrea fronça les sourcils à son tour, haussant le ton.
-Je n’en ai pas besoin. C’était un cas exceptionnel.
Son père soupira. Il savait qu’il ne réussirait pas à la faire changer d’avis sans une longue et ennuyante argumentation.
-Très bien. De toute façon, l’art de la guerre n’aura bientôt plus aucun secret pour toi, autant t’y préparer. Maintenant, raconte-moi ce qui s’est produit, veux-tu?
Ils discutèrent pendant une bonne heure, puis Andrea prit congé pour se reposer.
Dim 23 Sep - 18:34